Lettres de M.Briand (Janvier 1920)

Réponse à M. Collet

Le 4 Janvier 1920
Mon cher Collet,
J'ai reçu votre lettre il y a quelques jours. Elle est venue me trouver en Allemagne occupée. Je suis très heureux de savoir que vous êtes revenu de la guerre. N'avez-vous pas été blessé ? Il n'en restait plus beaucoup des anciens de 1914 quand nous poursuivions l'ennemi en 1915 !

A ma compagnie y'en avais encore une douzaine, qui avaient fait la campagne entière. Un coup désastreux, après la bataille et la relève en a emporté 5 ou 6. Plus guère que des jeunes. Et ceux-ci ont vu l'Alsace, ont fait la fête. Mais nous pensions souvent aux premiers camarades, à ceux que nous avons vu tomber avant la victoire !

J'ai une pitié immense pour Madame Laurent. Mais je puis dire et faire plus que vous même. Pourquoi a t'il été condamné ? Je ne sais même pas le motif. Je ne sais pas, si le fait qu'on lui a reproché se rapporte a son séjour à la Pic[possible erreur de traduction][illisible] n'a été faite à la Cie (compagnie). Je n'ai rien signalé contre lui, et je n'ai connu sa condamnation qu'après sa mort, au moins deux ou trois semaines après.

Comment [illisible] à châlons ? Blessé légèrement à la main, il a dû aller au poste de secours. Du poste de secours il pouvait soit revenir à la Cie si le médecin le lui disait soit être évacué avec un bulletin. Que s'est t'il passé ?? Comme il ne savait pas bien le français il a pu se tromper sur ce qu'on lui aurait dit. Peut être même, et c'est ce que je crains, a t'il suis des fuyars, et s'est trouvé pris avec eux ?

Je ne crois pas que le fait qu'on lui reproche soit passé a la Cie, sans quoi l'enquête eut été fait à la Cie. On aurait demandé [illisible] on fait toujours un rapport à la Cie, et on aurait cherché des témoins dans la compagnie. Il n'y a eu ni rapport, ni témoins de la 22e, aucun témoin non plus du régiment.

Je ne sais rien.

Il faut cependant aider la veuve Laurent. Je ne crois pas que la révision du jugement puisse être obtenue. Madame Laurent devrait demander des secours, et même demander la révision du procès. Qu'elle demande à la mairie, à la préfecture, au ministre. Et qu'elle demande souvent. Les gens dérangés lui répondront qu'il n'y a rien à faire, qu'elle s'obstine à demander quand même. Il faudrait demander aussi au [illisible] du 47e, les motifs de condammanation, et les trait du jugement. Si le juge de paix de Gouarec a la charité de s'occuper d'elle, il pourra la conseiller utilement. Toutes ces demarches occasionneront des frais malheureusement; elle ne peut pas et ne doit pas supporter de frais. Mais qu'elle écrive, ou fasse écrire à tous ceux qui peuvent l'aider.

Je vous adresse mon cher Collet mon meilleur souvenir.
Capitaine Briand.
Genie secteur 154

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